Filippo Negroli (d’après)

Date de vente : 17 mai 2013

Estimation : 8 000/10 000 €

Prix de vente : 16 250 F.I. €



DAGUERRE SVV, Experts : Gaétan Brunel, Pierre Grignon Dumoulin.

Rare bourguignotte en galvanoplastie de fer, timbre « à l'héroïque » à décor repoussé en haut relief, figurant une tête grotesque, à bec d'oiseau garni de huit dents, les yeux enfoncés dans des orbites saillantes, entourés de cornes enroulées et d'oreilles, sur fond de chevelure ondulée. La partie supérieure du couvre-nuque simulant les yeux et le haut d'un visage de monstre marin. L'ensemble est surmonté d'un ''crocodile'' chimérique à gueule de dragon triangulaire, à corps et longue queue à écailles recouverts de feuilles d'acanthe, pattes tridactyles armées de longues griffes. Sur les côtés, des rosaces montées sur charnières, légèrement incurvées, traitées en ailes de chauve-souris découpées, à décor d' « yeux » de paon. Jugulaires en velours marron, recouvertes d’une écaille de chaque côté, fixées par une vis aux rosaces.

A l’intérieur, un numéro à la peinture blanche: 18 transformé en 19.

Légères traces de dorure.

Travail probablement russe, vers 1880.

Hauteur : 24 cm, Largeur : 28 cm, Profondeur : 29.5 cm, Poids 1690 g. environ

Réplique exacte de la bourguignotte provenant de l’armure de parade de Guidobaldo II della Rovere, duc d’Urbino, réalisée par Filippo Negroli conservée au musée de l’Hermitage à Saint-Pétersbourg (3.O.6159)

Un exemplaire absolument identique est conservé au musée des Arts et Métiers à Paris. (Inv. 09800). 

 

 

Une convention internationale pour l’échange de répliques d’œuvres d’art.

Procédé de duplication par électrolyse, la galvanoplastie est l’une des grandes révolutions technologiques mises en avant lors des expositions universelles.

Moritz von Jacobi (1801-1874), d’origine allemande, mais exerçant une grande partie de sa carrière en Russie, développa la galvanoplastie à partir de 1837.

Pour la première fois, ce procédé rendait possible la copie d’une œuvre d’art dans ses moindres détails, grâce à un moule de l’objet source en gutta percha (dérivé de caoutchouc sulfurisé), puis en plaçant ce moule dans un bain pourvu d’électrodes permettant aux particules de métal de s’agglomérer pour réaliser la copie. Par ce biais, les mondes industriel et artistique pouvaient enfin se rejoindre en une application concrète bénéficiant à tous.

Marqué par le formidable progrès que représentait la galvanoplastie, Henry Cole (1801-1882), directeur du South Kensington Museum (futur Victoria & Albert Museum), comprit l’intérêt que représentait une telle technique pour la diffusion et l’enseignement du savoir artistique par le biais de copies parfaites de grands chefs-d’œuvre. Dans ce but il profita de sa position lors de l’exposition universelle de 1867 pour organiser la « Convention internationale pour l’échange de copies d’œuvres d’art ».


Par les musées, pour les musées.

Cette convention prévoyait la sélection de pièces phares parmi les grandes collections royales ou impériales, puis leur copie par moulage, galvanoplastie, ou photogravure. Ce concept original avait pour but d’encourager l’accès du public aux trésors royaux traditionnellement inaccessibles. Cette convention, placée sous l’égide du Foreign Office, fût signée par quinze souverains, dont le Tsar de Russie.

La convention prévoyait qu’en termes de qualité, les copies devaient être si parfaites qu’en situation d’exposition (dans une vitrine ou derrière un cordon), un spécialiste tel qu’un conservateur ou un expert ne devait pas percevoir de différence. Les procédés utilisés pour la copie des œuvres ont donc fait l’objet d’un soin particulier. La société Elkington & Co, de Birmingham, fut chargée d’exécuter les copies pour le compte du South Kensington Museum, Christofle pour l’union centrale des arts décoratifs.

Chacun des quinze pays membres pouvait établir une liste des œuvres pour lesquelles il sollicitait une autorisation de copie. Il ne s’agissait pas de réaliser des « produits dérivés » destinés à la vente, mais bien de pièces d’exposition muséales de qualité exceptionnelle, tirées en nombre très limité d’exemplaires.

Un chef-d’œuvre représentant un chef-d’œuvre.

La convention, par son exigence,  donnait la possibilité à chaque pays de prouver la qualité de son avance technologique et de rivaliser avec ses concurrents. Si la galvanoplastie de cuivre ou de bronze a été largement pratiquée, il n’en n’est pas de même pour la galvanoplastie de fer partiellement doré.

En effet, les particules de fer étant plus lentes à s’agglomérer, le procédé est beaucoup plus long et beaucoup plus onéreux. On estime qu’un mois à un mois et demi ont été nécessaires à la réalisation de ce casque. Cette technique, d’abord très prometteuse pour l’industrie, a dû être abandonnée en raison de son coût élevé.

En utilisant cette technique, l’auteur de cette oeuvre a sans conteste voulu montrer sa supériorité scientifique.

Cette œuvre exceptionnelle est très probablement un travail Russe, (vraisemblablement de l’usine de galvanoplastie, mécanique et fonderie de Saint-Petersbourg, fondée en 1844 par Maximilien de Beauharnais, duc de Leuchtenberg, et qui s’inspirait largement des travaux de Jacobi) en réponse aux copies réalisées lors de l’ouverture de la collection du Tsar pour l’expédition d’Elkington en 1880-1881.

L’original de ce casque est actuellement l’une des pièces phare de la collection d’armes du musée de l’Hermitage. A l’instar du chef-d’œuvre artistique de Négroli, réalisé dans une seule pièce de métal martelé, ce spécimen galvanoplastique est un chef d’œuvre technologique réalisé d’une seule pièce, sans soudure.

Un intérêt diplomatique.

Suite à la signature le 20 mai 1882 de la triple alliance, entre l’Allemagne, l’Italie, et l’Autriche-Hongrie, une ouverture diplomatique donna lieu à un  rapprochement des états français et russe. Dans ce contexte, une copie galvanoplastique a été offerte cette même année par une expédition impériale à l’état français pour le musée des Arts et Métiers de Paris (inv. 09800). Un exemplaire qui, avec notre modèle,  constituent les deux seuls connus à ce jour. La tradition diplomatique voulant que l’ambassadeur en poste reçoive le même cadeau que l’état qu’il représente, la thèse du présent diplomatique est très plausible; les ambassadeurs possibles étant le général Chanzy (en poste de 1879 à 1881), ou Benjamin Jaurès (de 1882 à 1883).

 

Sources: 

- Patterson Angus, Journal of the Antique Metalware Society, Vol 20, June 2012.

- Reproductions in metal: list of objects of art reproduced in metal by various processes. Part I. Examples of which copies may be supplied by the electrotypists. London, HMSO, 1888.

- Grant Alistair, Elkington Mason & Co and the Art of Electro-Metallurgy, A Social History since circa 1840.

- Daudet Ernest, Histoire Diplomatique de l'Alliance Franco-Russe, Paris 1894.

Vente en partenariat avec Gaétan Brunel et Daguerre-Brissonneau.