Découverte d'une toile Claude Joseph VERNET (Avignon 1714 - Paris 1789) considérée comme perdue

Date de vente : 17 mai 2018

Estimation : 40 000/60 000 €

Prix de vente : 281 600 €

17 MAI 2018

PARIS DROUOT DAGUERRE

Claude Joseph VERNET

(Avignon 1714 - Paris 1789)

Pêcheurs près du rivage, dit La source abondante

Huile sur toile ovale.

Signée et datée sur le rocher : J. Vernet / f. 1766.

46 x 37,5 cm

 

Provenance :

– Très certainement vente Mme la présidente de Bandeville, Paris, 3 décembre 1787,

n°65 (avec un pendant, 3501 livres à Desmanes) ;

– les tableaux réapparaissent le 11 janvier 1793, vente Lebrun, sous le n° 6 (hauteur

17 pouces, largeur 13 et demi, exprimés en toises du Châtelet soit 1 pouce équivalant

à 27 mm environ) :

« L’autre offre, sur le devant, une femme, vêtue de rouge, tenant un panier, tandis

qu’un homme retire ses filets d’un torrent. A droite, et sur une élèvation, on voit deux

pêcheurs, l’un à la ligne, l’autre tenant un échiquier. Dans le fond et sur un chemin, on

aperçoit une voiture couverte. Sur la gauche sont des rochers élevés, des arbres et une

ville au bord de la mer, qui termine le fond du tableau. (…) Ces deux tableaux, du faire

le plus ferme et le plus piquant, ne laissant rien à désirer. Ils sont de forme ovale » ;

collection du baron van de Werve et de Schilde (1867-1923), gouverneur de la

province d’Anvers. Mentionné dans l’inventaire de succession de sa femme en 1952, par

descendance dans la même collection à Nantes depuis cette date.

Expositions :

– Probablement Salon de 1767, n° 39.

– Le goût de Diderot, Montpellier, musée Fabre, octobre 2013 – janvier 2014, et Lausanne, Fondation de l’Hermitage, février – juin 2014, catalogue p. 349, reproduit p. 353.

Bibliographie :

– Léon Lagrange, Les Vernet. Joseph Vernet et la peinture au XVIIIe siècle. Avec le

texte des Livres de Raison et un grand nombre de documents inédits. Paris 1864,

Librairie académique Didier et Cie, p. 344.

– Florence Ingersoll-Smouse, Joseph Vernet peintre de marine, étude critique et

catalogue raisonné, volume II, Paris 1926, Etienne Bignou, p. 10, n° 818, reproduction de

la gravure de Le Bas, pl. LXXXXIV, n°208.

– Diderot & l’art de Boucher à David. Les Salons : 1759-1781, catalogue d’exposition,

Paris Hôtel de la Monnaie, 5 octobre 1984-6 janvier 1985, RMN 1984, p. 405-409.

(tableau perdu, connu par la gravure de Le Bas).

– Le goût de Diderot, catalogue d’exposition, Montpellier, musée Fabre, 5 octobre

2013-12 janvier 2014 ; Lausanne, Fondation de l’Hermitage, 7 février-1er juin 2014],

Hazan 2013, cat. 90, p. 253-254, p. 349.

– Scherf, Guilhem « Diderot entre vérité et magie » in Grande Galerie, le Journal du

Louvre, n° 26 p. 92, reproduit « l’une des révélations de l’exposition Le goût de Diderot,

et l’un des tableaux les plus subtils de Joseph Vernet »

Au dix-huitième siècle, ce tableau était en pendant avec un autre titré Les occupations

du rivage (non localisé), gravé lui aussi par Le Bas en 1771 et montrant un groupe

de blanchisseuses. Le livret du Salon de 1767 est très laconique concernant Vernet,

puisqu’il indique seulement « plusieurs tableaux sous le même numéro ». On doit donc

se référer aux descriptions de Diderot pour les identifier. Tiré de son texte sur le Salon de

1767, le passage La Promenade Vernet est considéré comme une des oeuvres majeures

de l’écrivain. Il y décrit un voyage dans sept sites différents avec un ami abbé, qui sont

autant de rêveries que lui inspirent les toiles du paysagiste.

à propos de notre tableau, qui constitue le premier site de sa promenade, Diderot

écrit :

« Le bas de cette montagne nous etoit dérobé par la masse interposée d’un

rocher. Le pié de ce rocher s’etendoit en s’abaissant et en se relevant et

separoit en deux la profondeur de la scène. Tout a fait vers la droite sur une

saillie de ce rocher, j’observai deux figures que l’art n’auroit pas mieux placées

pour l’effet. C’etoient deux pescheurs. L’un assis et les jambes pendantes vers

le bas du rocher tenoit sa ligne qu’il avoit jettée dans des eaux qui baignoient

cet endroit. L’autre, les épaules chargées de son filet, et courbé vers le premier

s’entretenoit avec lui. Sur l’espèce de chaussée rocailleuse que le pié du

rocher formoit en se prolongeant; dans un lieu ou cette chaussée s’inclinoit

vers le fond, une voiture couverte et conduite par un paysan descendoit vers

un village situé au dessous de cette chaussée. C’etoit encore un incident que

l’art auroit suggéré. Mes regards rasant la crête de cette langue de rocaille,

rencontroient le sommet des maisons du village, et alloient s’enfoncer et se

perdre dans une campagne qui confinoit avec le ciel. Quel est celui de vos

artistes, me disoit mon Cicerone, qui eut imaginé de rompre la continuité de

cette chaussée rocailleuse par cette touffe d’arbres ? Vernet, peut être … Eh

bien, dis je a mon cicérone, allez vous en au Sallon, et vous verrez qu’une

imagination féconde, aidée d’une étude profonde de la nature a inspiré

a un de nos artistes précisément ces rochers, cette cascade et ce coin de

paysage… Et peut être avec ce gros quartier de roche brute, et le pescheur

assis qui relevé son filet, et les instruments de son métier épars a terre autour

de lui, et sa femme debout, et cette femme vue par le dos …»

Il a été suggéré récemment que pour certains tableaux, au moment où Vernet était très

occupé par la plus importante commande de sa carrière, la série des Ports de France,

l’artiste se serait fait aider de collaborateurs comme Volaire, Grenier de Lacroix et

Ignace, le propre frère de l’artiste. Mais il convient de garder en mémoire la préface

du catalogue de la vente de l’atelier de l’artiste dans laquelle le célèbre expert et

marchand Jean-Baptiste Lebrun écrit :

« On aura toujours lieu d’admirer, et à peine croira-t-on que M. Vernet ait pu

suffire à une si immense quantité d’ouvrages. En effet, il falloit être témoin de

son travail pour se faire l’idée de la facilité d’exécution qu’il avait acquise ».

On connaît d’autres versions de cette composition (marché de l’art en 1988 et 2008,

toiles, 49 x 39 cm), une copie de la paire dans l’ancienne collection Youssoupoff à

Saint-Pétersbourg, toiles, 49 x 39cm, vendue chez Koller, Zurich, 20-22 mars 1996, n° 61.

Ces dernières, de qualité inférieure, ne peuvent être confondues avec les tableaux

Bandeville dont les dimensions correspondent parfaitement au nôtre : hauteur 17

pouces, largeur 13 et demi, soit 46 x 36 cm.